Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES DE LA REVOLUTION SUD-AMERICAINE

gique, ses conditions d'existence et les aspirations dont elle se sentait capable, cette société nouvelle s'adapta de moins en moins, à mesure qu'elle se développait, aux cadres surannés où la mère patrie épuisait d'inutiles efforts à vouloir la maintenir. Cet état de fait prépara la ruine du système colonial appliqué par l'Espagne et dont il nous faut maintenant esquisser l'ensemble et la constitution. La Nouvelle-Espagne — le Mexique actuel — et le Pérou passaient pour les plus riches contrées de l'Amérique. Les Aztèques, les Incas y avaient fondé de grands empires, dont le degré de civilisation avait surpris les Conquistadors et fait le sujet de mémorables chroniques1. On avait, en Espagne, conservé le souvenir des trésors envoyés ou rapportés par Fernand Cortez et ses compagnons. On supputait la valeur des mines de Tâsco, de Canânjas, de Guanajuato; la découverte du filon principal de cette dernière, la vela madré, en 1560, enflammait les imaginations2. Quant au royaume d'Atahuallpa, si grandes étaient les richesses qu'il était réputé contenir, que dès la fin du seizième siècle, « pour exprimer qu'un homme possède une très grande quantité d'or et d'argent, — écrit un contemporain3 — on dit proverbialement qu'il a un Pérou ». Mexico et Lima, dont Pizarre avait jeté les fondements, furent donc tout d'abord assignées comme résidences aux deux Vice-Rois, auxquels le roi d'Espagne déléguait son autorité sur les terres nouvelles. Si l'on considère que, pendant plus de deux siècles, la juridiction de Mexico s'étendit à toute la partie septentrionale du Nouveau Monde, de la mer Vermeille à la Floride et de la Nouvelle Navarre à Panama, et celle de Lima au continent méridional tout entier, il sera loisible d'imaginer ce que pouvait être la puissance de ces 1. La plus célèbre est celle de BERNAL DIAZ DEL CASTILLO, Histoire véridique de la Conquête de la Nouvelle Espagne, dont l'admirable traduction de J.-M. de Heredia a fait un chef-d'œuvre. 2. ALEXANDRE DE HUMBOLDT, Essai sur la Nouvelle Espagne. 3. Le P. ANELLO OLIVA, Histoire du Pérou, publiée en 1631, traduite sur le ms. original par M. Terneaux-Compans, Paris-Jannet, 1857.


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