Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE PRÉCURSEUR

Forest signalait alors à Champagny les menées industrieuses 1 et qui savait à merveille, selon l'expression d'un historien, que « les rubans et les cocardes ne forment pas une muselière solide au monstre démocratique déchaîné. Ces ambitieux appelés, pensaient-ils, à jouer les principaux rôles sur le théâtre politique dont les décors eussent rappelé le Versailles de 1789, poussaient à la formation d'une Junte Suprême à Madrid dans l'arrière-pensée de rassembler les éléments d'une Constituante, d'une Convention peut-être, et de la diriger ensuite vers leur but à l'aide de Clubs dont le noyau existait déjà2 ». Telle était précisément la tactique des « esprits éclairés » sud-américains, dans presque toutes les capitales coloniales, des libéraux vénézuéliens surtout, imbus plus que les autres des traditions de la Révolution française et qui faisaient réclamer à grands cris par le cabildo l'établissement d'une « Junte Gouvernante de Caracas». Alors toutefois que les libéraux de Madrid agissaient dans un but égoïste et personnel, c'est à l'impulsion de sentiments élevés et généreux qu'obéissaient ceux de Caracas2. 1. GRANDMAISON, L'Espagne et Napoléon, op. cit., p. 323. 2. L'aveu en est échappé à José Domingo Diaz lui-même, conseiller de l'Audiencia et l'un des adversaires les plus violents et les plus acharnés des « patriotes » de Caracas. « La révolution, dit-il, fut tramée et exécutée par ceux à qui elle devait porter le plus de préjudice, le marquis del Toro et ses frères, D. Fernando et D. José Ignacio, membres de l'une des familles les plus fortunées et les plus estimées de la colonie et dont l'insupportable arrogance se voulait supérieure à toutes les autres, D. Martin et D. José Tovar, fds du très riche comte de ce nom, D. Juan Vicente et D. Simon de Bolivar, jeunes gens de la noblesse de Caracas possédant l'un 25.000 piastres de rente, l'autre 20.000; Juan José et Luis Rivas, parents des comtes de Tovar et aussi considérablement riches, D. Juan German Roscio, D. Vicente Tejera et D. Nicolas Anzola, avocats estimés de tous leurs compatriotes, Lino Clemente, officier de la marine royale, hautement considéré, D. Mariano Montilla, ancien garde du corps de Sa Majesté et son frère D. Tomas, issus d'une maison dont la splendeur était proverbiale, D. Juan Pablo, D. Mauricio et D. Ramon Ayala, officiers du bataillon Vétéran, universellement estimés pour l'honnêteté de leur famille et le lustre de leurs ancêtres.... Ce ne furent pas des révolutionnaires de profession qui jouèrent le premier rôle dans ces événements, des hommes qui n'ont rien à perdre, cherchant leur fortune dans les désordres et qui n'ont rien à attendre de l'empire des lois et des bonnes mœurs.......... » Recuerdos, etc., p. 21.


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