Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LOYALISME COLONIAL

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Junte Centrale se montrait parcimonieuse : alors que les 10 à 12 millions d'Espagnols de la Péninsule devaient être représentés par 36 députés, l'Amérique toute entière, avec ses 15 millions d'habitants, n'en obtenait que 12. Ceux-ci devaient d'ailleurs être choisis et désignés par les autorités coloniales. La mesure parut néanmoins suffisante à nombre de créoles qui voyaient, dans l'accès à ces prérogatives inespérées, une première étape vers l'autonomie définitive. Ils sentaient que la renonciation de la dynastie bourbonienne avait brisé tout lien entre l'Espagne et l'Amérique et se savaient à l'abri des entreprises de Napoléon. L'indépendance se préparerait donc d'ellemême et s'accomplirait aussi simplement que s'était effectuée celle du Brésil depuis que ses anciens monarques étaient venus s'y établir1. Cet exemple poussa même certains membres de l'oligarchie créole en Nouvelle-Grenade, au Chili, au Pérou et surtout à la Plata, à envisager la possibilité d'établir des monarchies indépendantes, à forme constitutionnelle, à la tète desquelles seraient appelés des souverains de la famille dépossédée par Napoléon. Les jeunes libéraux de Buenos-Ayres, rangés autour de Belgrano, acceptèrent avec empressement ce projet qui faillit se réaliser en faveur de l'infante Charlotte, sœur de Ferdinand VII, épouse du prince-régent de Portugal et du Brésil connu plus tard sous le nom de Jean IV2. Mais les prétentions de la princesse, les intrigues du ministre d'Angleterre à Rio de Janeiro, lord Strangford, et la tournure prise par les événements de la Péninsule déterminèrent les patriotes à abandonner l'entreprise. En opposition à ce parti modéré dont les versatilités et l'incertitude n'avaient pas encore trouvé leurs voies, le comité, moins nombreux mais résolu, des libéraux « irréductibles », poursuivait fermement sa propagande. Il avait son pendant en Espagne dans ce « petit groupe d'esprits éclairés » dont l'agent impérial La 1. Cf. GERVINUS, Histoire du dix-neuvième siècle, op. cit., t., VI, p. 83. 2. V. MITRE, Hisloria de Belgrano, op. cit., t. I, ch. VI. 3. La Forest à Champagny, 25 août 1808. Arch. des Aff. Étr., V. 676.


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