Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

Page 264

252

LE PRÉCURSEUR

lequel des deux maîtres il convenait de se prononcer, la population, avertie de l'arrivée des commissaires et des nouvelles qu'ils apportaient, se réunissait en tumulte sous les fenêtres du gouverneur. Près de 10.000 manifestants étaient là, poussant des cris frénétiques : « Vive notre roi ! » « Mort à l'usurpateur ! » Le cabildo s'était réuni. Il envoyait coup sur coup trois délégations au capitaine général pour lui demander de proclamer Ferdinand VII. La foule grossissait. Jamais pareille effervescence ne l'avait agitée. Casas dut se soumettre. A 4 heures il sortait du palais, entouré par l'évêque, les membres de l'Audience et les hauts fonctionnaires du gouvernement et déclarait solennellement reconnaître les droits de Ferdinand VII. Quelques instants après, le cortège rituel se formait devant le palais, sur la place; les porte-bannières, enseignes déployées, les hérauts d'armes, les trompettes, la municipalité en costumes de gala, les officiers des milices en tenue de parade prenaient le chemin de la cathédrale et du cabildo, salués par les vivats enthousiastes de la foule... Aussitôt leur audience terminée, les deux officiers français s'étaient cependant dirigés vers l'auberge del Anjel. Ils distribuèrent en chemin les gazettes espagnoles qu'ils avaient avec eux et constatèrent, non sans surprise, que la foule accueillait fort mal les nouvelles et plus mal encore les ambassadeurs. Des cris hostiles éclataient sur leur passage : la foule s'attroupait devant l'hôtel où Lamanon et Courtay arrivaient à temps pour se soustraire à quelque agression. Les manifestants menaçaient alors d'enfoncer les portes; l'aubergiste, éploré, conjurait ses hôtes d'enlever leurs uniformes et de s'évader par une porte de derrière; la situation devenait critique. Les officiers de l'Empereur n'étaient pas gens à s'alarmer pour si peu. Ils se mirent tranquillement à la fenêtre, et, sans doute, la fierté de leur mine et leur belle assurance en imposèrent-elles à la populace : les cris cessèrent... Quelques jeunes gens, arrivés fort à propos, haranguaient la foule et l'entraînaient à leur suite sur


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.