Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LOYALISME COLONIAL

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enfin l'occasion si longtemps souhaitée. Aussi mal éclairé quant à la mentalité des créoles qu'il fondait de présomptions sur le sentiment des futurs sujets de son frère, Napoléon pensa que la conquête du Nouveau Monde s'ajouterait d'elle-même à celle de l'Espagne et qu'un enthousiasme sincère rallierait les Colonies à la métropole « régénérée » 1. Aussi bien, les gouverneurs des Antilles françaises avaient-ils attribué l'insuccès de Miranda à la seule présence dans la capitainerie générale du petit effectif de la Guadeloupe2, et si quelques centaines de combattants avaient suffi pour protéger Buenos-Ayres, c'était — au dire de Liniers lui-même 3 — que « les succès constants et toujours prospères des armes de l'Empereur les avaient électrisés ». Les informateurs du cabinet impérial s'accordaient à déclarer que douze à quinze cents hommes de troupes françaises seraient à peine nécessaires pour assurer « la conquête facile de l'île Trinité et de la capitainerie de Caracas »4. De Pons avait été plus loin encore : « Le seul nom de Napoléon, écrivait-il, exprime chez les espagnols de l'Amérique les idées de valeur, héroïsme, bienfaisance, génie, puissance et loyauté. La joie et l'obéissance y seront universelles. Les hommes de bien y prendront une nouvelle énergie. Les esprits inquiets et turbulents qui verront qu'ils n'ont plus affaire à une métropole dont ils connaissent la faiblesse, mais au premier et au plus puissant des monarques, deviendront les plus chauds partisans de la cession. Ils l'accueilleront comme une victoire qu'ils remporteront sur l'Espagne. En un 1. « Votre nation périssait : j'ai vu vos maux, je vousy porter remède; je veux que vos derniers neveux conservent son souvenir et disent : Il fut le régénérateur de notre Patrie ». (Proclamation de Napoléon aux Espagnols, le 24 mai 1808.) 2. Cf. POYEN, op. cit., ch. XXI, p. 294. 3. Lettre de Liniers à Napoléon, 20 juillet 1807 citée par MITRE. . Historia de Belgrano, 5e éd., 1902, t. 1, p. 163. 4. Notice sur l'Ile de la Trinité considérée comme Entrepot du Commerce des Européens avec le Haut Pérou, la Terre province de Caracas et comme le principal point militaire des Istes du Vent de l'Amérique, par S. DAUXION-LAVAYSSE, 27 janvier1808. Arch. des Aff. Étr. États-Unis. Reg. 61. 16


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