Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE PRÉCURSEUR

niaient donc prématuré d'aventurer un mouvement condamné de toutes façons à tourner court sans aucun résultat pour leur cause. Le capitaine général, instruit de ces heureuses dispositions, les avait adroitement encouragées en faisant répandre en sous main les allégations les plus perfides quant au désintéressement de Miranda. L'Inquisition de Carthagène avait proclamé ce dernier « traître à Dieu comme au Roi1 » et le silence des créoles rendait un tel arrêt plus décisif encore aux yeux du fanatisme populaire. Une atmosphère partout défavorable au Précurseur s'était ainsi formée dans la colonie et, sans doute, étaitil heureux pour les autorités espagnoles qu'il en allât de la sorte, car elles ne disposaient guère de sérieux moyens de défense. Guevara ne négligea pas de les améliorer dans la mesure du possible. Il fit appel au concours du général Ernouf2, gouverneur de la colonie française de la Guadeloupe, et mit utilement à profit le séjour prolongé de Miranda aux Antilles anglaises pour effectuer des levées de troupes et organiser les milices de Caracas et des villes provinciales. Les secours d'ailleurs peu considérables que le général Ernouf envoyait à Guevara contribuèrent à porter, dès le début, un coup sensible à la nouvelle entreprise du Précurseur. A la suite des démarches de l'ambassade d'Espagne à Paris, le ministère de la Marine avait autorisé le gouverneur de la Guadeloupe à prêter assistance aux établissements de la CôteFerme, et bien que les Anglais tinssent alors les colonies françaises des Antilles presque en état de blocus 3, 1. FRANCISCO GONZALEZ GUINÂN, Historia Contemporànea de Venezuela, Caracas 1909. 5 vol. in-8°, t. I, ch. I, p. 15. 2. ERNOUF (Jean-Augustin, baron), général français, né en 1753, mort en 1827. Envoyé comme capitaine général à la Guadeloupe en 1803, il sut conserver cette colonie jusqu en 1810, époque où il fut obligé de capituler. Conduit en Angleterre et échangé en 1811, il fut exilé à cinquante lieues de Paris. La Restauration annula la procédure commencée contre lui et lui rendit son grade. 3. Cf. POYEN, Les Guerres des Antilles de 1793 à 1815. Paris, in-8°, 1896, ch. XXI.


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