Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE PRÉCURSEUR

que prétendaient lui infliger ses protecteurs, car, une fois accomplie la première partie du projet, Miranda n'aurait pu manquer de mettre tout en oeuvre pour le détourner du but que se proposaient les Anglais. Le Précurseur n'entendait encourir ni le soupçon ni le risque d'une telle alternative. Avait-il d'autre part le pouvoir, le droit même, de rompre ouvertement en visière à la puissance dont il était, malgré tout, l'obligé, et dont la coopération, ou du moins la complicité, restait en définitive la seule chance des Sud-Américains pour l'accomplissement de leurs souhaits? L'Angleterre se montrait intraitable à l'heure présente, mais l'avenir la déterminerait peut-être à modifier sa conduite, à recourir aux transactions. Il eût été malhabile de ne pas se ménager cette éventualité. Un parti restait donc à Miranda : reprendre au plus tôt sa liberté. C'est à quoi désormais il bornait son espoir. Il ne sollicitait plus que par une sorte d'acquit de conscience et pour gagner du temps. S'il pressait le ministre de prendre une décision immédiate à l'égard des propositions de Popham, c'était pour l'amener plus vite à les abandonner. Pitt n'y renonça toutefois qu'à la fin de février 1805. Il avait fait procéder au premier abord, à l'armement d'une frégate de 64, la Diadem, qui devait être employée à l'une des expéditions. Mais l'intérêt témoigné de la sorte par le cabinet britannique aux projets sud-américains dut céder presqu'aussitôt aux inquiétudes qu'inspiraient les dangers, cette fois très redoutables, d'une invasion française. Le secret de l' immense projet de Napoléon venait d'être découvert, transmis à Londres ; Pitt ne songeait plus qu'à sauver l'Angleterre. L'empereur de Russie, dont l'alliance était capitale, voulait ménager l'Espagne, que dans ses arrière-pensées de suprématie européenne, il espérait détacher de la France. Au cours des négociations poursuivies à Londres par l'ambassadeur Novosiltoff pour la conclusion du traité anglo-russe du 11 avril, il fut entendu que l'Angleterre renoncerait à toute tentative contre les Indes Occidentales.


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