Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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MIRANDA

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dissait en France, engageaient Miranda à tenter lui aussi de rentrer en grâce. Ses intimes prédilections se ranimaient à l'espoir de gagner Bonaparte, et l'ordre du jour que le Premier Consul adressait sur ces entrefaites aux armées à l'occasion de la mort de Washington, paraissait d'un radieux augure au champion de l'Indépendance sud-américaine : « Washington est mort. Ce grand homme s'est battu contre la tyrannie. Il a consolidé la liberté. Sa mémoire sera toujours chère au peuple français comme à tous les hommes libres des deux mondes et spécialement aux soldats français qui, comme lui et les soldats américains, combattent pour l'égalité et la liberté. » Ces paroles et la cérémonie qui leur servit quelques jours plus tard (le 18 février 1800) de commentaire dans l'église des Invalides transformée en Temple de Mars, pour être de circonstance, n'étaient pas de pure hypocrisie. « Il y en avait sans doute, mais il y avait aussi les illusions du temps et de tous les temps1. » La séduction sur Miranda fut décisive. Il quitta Londres aussitôt. Mais ce n'avait pas été sans difficultés. Rufus King dut intervenir, insister au Foreign Office, enfin, en désespoir de cause, délivrer à son ressortissant occasionnel un passeport que Je gouvernement français ne se pressait pas de sanctionner. Miranda fut obligé d'attendre plusieurs mois en Hollande, le résultat des démarches que les sénateurs Barthélemy et Lanjuinais, le conseiller d'Etat Portalis, le général Victor avaient engagées en sa faveur auprès de Fouché et du Premier Consul. Bonaparte finit par se laisser convaincre. Mais l'accomplissement des nouveaux projets du Précurseur restait encore bien improbable. Il aurait pu s'en persuader au moment même où il quittait Anvers, à la fin d'octobre, pour se rendre à Paris : « Enfin, mon cher Miranda, lui écrivait, en effet, un correspondant anonyme, mais vraisemblablement espagnol ou sud-américain, à en juger par les idiotismes de l'orthographe et 1. THIERS,

Histoire du Consulat et de l'Empire,

1845,

t. I, liv. II. 13


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