Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE PRÉCURSEUR

premiers soins avait été d'aviver leurs rancunes et d'en tirer parti. Les efforts du Précurseur furent à cet égard couronnés d'un plein succès. Dès 1791, les jésuites prenaient leur mot d'ordre auprès de Miranda qui leur inspirait entre autres la retentissante Lettre aux Espagnols Américains1, et la maison de Ménilmontant était devenue le quartier général où les Pères refugiés centralisaient leur propagande. Miranda avait fait plus encore. Suivant ses directions, les ex-jésuites Manuel Sàlas2, originaire du Chili, et José del Pozo y Sucre, né dans le Pérou, à Trujillo, avaient fondé en 1795, à Madrid, d'accord avec le péruvien Pablo de Olavide 3, une sorte d'association secrète : la « Junte des villes et provinces de l'Amérique méridionale ». Bien que l'on ne possède sur cette association que de vagues indices et que la plupart de ses membres soient restés inconnus, il est cependant certain, ainsi que le déclarait ultérieurement Miranda, qu'elle se trouvait en relation avec les libéraux d'outre-mer et réunissait dans la capitale espagnole « des représentants de chacune des contrées américaines qui travaillaient avec ardeur à préparer, par les mesures les plus efficaces, l'indépendance du Nouveau Monde 4 ». C'est ainsi que, vers la fin de 1797, Salas et Pozo s'étaient fait déléguer par leurs compatriotes pour venir demander à Miranda d'élaborer un plan d'action définitif. Il s'agissait de déterminer avec précision celles des puissances dont l'appui demeurait le plus probable, de stipuler les concessions qui leur seraient offertes en V. suprà, liv. I, ch. II, § II. Id. 3. OLAVIDE (Pablo Antonio Joséf de), homme d'état espagnol, né à Lima en 1725, mort en 1803. Il avait été secrétaire de l'ambassade à Paris du comte d'Aranda. Associé aux entreprises de son chef contre les jésuites, Olavide subit le contre-coup de la chute de ce ministre. Il fut jeté dans les cachots de l'Inquisition à Séville en 1776, puis en 1778 condamné à la réclusion perpétuelle. Ayant réussi à s'évader, il vint à Paris et y vécut dans la société des libres-penseurs les plus notoires. Le comte de Lorenzana lui fit accorder en 1798 l'autorisation de rentrer en Espagne. 4. R. O. Chatham Mss. Vol. 345, document annexé à une lettre à Pitt. Londres, 16 janvier 1798. 1.

2.


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