Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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MIRANDA

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l'état actuel des choses, proclamait-il dans ses Mémoires sur les Affaires de France nous n'avons rien à craindre de l'Espagne, ni comme puissance continentale, ni comme puissance maritime, ni comme rivale de commerce. Nous avons beaucoup à craindre des liaisons que l'Espagne peut être forcée de contracter : la considération de ses propriétés territoriales, de ses ressources et de son état civil et politique nous autorise à avancer avec la plus grande confiance que l'Espagne n'est pas une puissance qui se soutienne par elle-même. Il lui faut s'appuyer sur la France ou sur l'Angleterre. Il importe autant à la Grande-Bretagne d'empêcher la prépondérance des Français en Espagne que si ce royaume était une province d'Angleterre ou un état qui, en effet, en dépendrait autant que le Portugal fut jamais censé en dépendre. Cette dépendance de l'Espagne est d'une bien plus grande importance que si elle était ou détruite ou assujettie à toute autre dépendance ; les conséquences en seraient bien plus funestes. Si l'Espagne est contrainte par la force ou la terreur à faire un traité avec la France, il faudra qu'elle lui ouvre ses ports, qu'elle admette son commerce, qu'elle entretienne une communication par terre avec les paysans français. « L'Angleterre peut, si bon lui semble, consentir à cela, et la France fera une paix triomphante et s'asservira entièrement l'Espagne, s'en ouvrira toutes les portes... Elle invite par là la Grande-Bretagne à partager de son côté les dépouilles du Nouveau Monde et à démembrer la monarchie espagnole. Il vaudrait mieux sans doute le faire que de souffrir que la France possédât seule ces dépouilles et ce territoire : elle en a sans contredit le pouvoir comme la volonté, si nous ne nous opposons pas à de tels projets. » Ces suggestions s'imposaient avec force au gouvernement de la Grande-Bretagne : elles émanaient du publiciste qui passait pour refléter le mieux les sentiments de l'opinion publique. Elles justifiaient aussi 1.

BURKE,

Mémoires sur les Affaires de France, 1792. Mém. III, p. 12.


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