Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LES INDES OCCIDENTALES

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souverains qui suivirent, la forme d'un dangereux absolutisme. L'ascendant traditionnel du clergé sur la pieuse nation espagnole s'était imposé, d'autre part, à la royauté comme un excellent moyen de gouvernement et de domination1. Elle avait donc employé ses efforts à le gagner. Le clergé ne tarda pas à siéger en première place dans les Conseils où la noblesse, attendant tout du roi, subordonnait de plus en plus les intérêts publics au seul souci de ses propres intérêts. Le Tribunal du Saint-Office, institué à l'origine pour ramener par la persuasion les dissidents aux « saines croyances », aggrava bientôt les attributions de ses inquisiteurs et recourut au terrorisme qui l'a depuis caractérisé. L'Inquisition devint une institution d'Etat '2; l'Église acquit en Espagne une influence formidable. La cour elle-même devint un cloître, les couvents multipliés se peuplèrent. L'extrême indigence intellectuelle du bas clergé faisant le vide autour d'elle, atrophia les cerveaux, étouffa toute initiative. Le fanatisme, l'intolérance, la dureté de cœur, développés déjà dans la lutte séculaire contre les hérétiques maîtres du territoire, applaudirent aux hécatombes que, sous prétexte d'unification des croyances religieuses, l'Inquisition mettait en honneur. Le Saint-Office déprava l'Espagne en même temps qu'il la terrorisait3; l'hypocrisie, la délation s'insinuèrent partout et devinrent autant de vertus. Un voile sanglant et ténébreux s'étendit sur ce pays qu'un mauvais génie sembla désormais précipiter à la ruine. Tout vint y concourir. Les Maures, qui comptaient pour un quart dans l'ensemble de la population, dis1. « L'autorité des religieux n'était pas uniquement fondée sur la foi des peuples et avait encore une source politique. Dès l'an 852, les martyrs de Cordoue, Aurelius, Jean-Félix, Georges, Martial, Roger, frappés du glaive ou jetés dans le Bétus se sacrifièrent autant à la liberté nationale qu'au triomphe de la religion chrétienne. Les moines avaient combattu avec le Cid et étaient entrés avec Ferdinand dans Grenade ». CHATEAUBRIAND, Congrès de Vérone, ch. II, t. XII des Œuvres complètes. 2. V. GUIZOT, Civilisation en Europe, leçon XI. 3. P. de SAINT-VICTOR, Hommes et Dieux. La Cour d'Espagne sous Charles IL


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