Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES DE LA. RÉVOLUTION SUD-AMÉRICAINE

jusqu'en Asie. Le Despacho Universal de Madrid enserrait toutes les cours dans d'inéluctables trames; sa politique irrésistible allait s'emparer de la Couronne de Charlemagne. La Renaissance qui devait, croyaiton, ramener l'Age d'or, semblait trouver, dans l'Ibérie reconquise, une autre terre d'élection : nulle part la récente invention de Gutenberg, dont on pouvait entrevoir déjà les merveilleuses conséquences, n'était mieux accueillie que dans les universités nombreuses et florissantes de Castille. Les lettres, les sciences, les arts, les mœurs, partout puisaient aux sources du génie espagnol. Et la Fortune elle-même, en faisant surgir un nouveau monde des abîmes de l'Océan, paraissait asservie à la gloire des rois d'Espagne qui mesurèrent dès lors aux pas du soleil la prodigieuse étendue de leurs domaines. Les souverains, qui se succédaient d'Isabelle à Philippe II, capables, avisés, et fidèles à l'esprit des premiers rois d'Aragon que le peuple s'était jadis si fièrement donnés, personnifiaient cette grandeur même et cet éclat. Leur pouvoir, tempéré par les prérogatives étendues des Cortès, s'exerçait avec rectitude et témoignait d'un libéralisme dont aucun des gouvernements de l'époque n'offrait l'exemple l. Mais les sécurités que la nation trouvait sous ce régime la portèrent insensiblement à négliger l'institution cependant la mieux ordonnée pour sauvegarder ses franchises. Leurs privilèges se trouvant maintenus et leurs droits respectés, les villes cessèrent peu à peu d'envoyer leurs députés aux Cortès. Et le roi, investi de plus de confiance, en vint à supporter impatiemment les entraves que l'Assemblée restait pourtant maîtresse d'opposer à ses volontés. Rien ailleurs n'en fixait les limites, et, quand la prescription lui permit de frapper les Cortès d'incapacité perpétuelle, il saisit avec empressement ce prétexte2. Le despotisme, d'abord bienveillant et paternel qui l'avait invoqué, prit, avec les 1, V. CHATEAUBRIAND, Congrès de Vérone, ch. III. 2. V. A. THIERRY, Dix ans d'études historiques, liv. XX.


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