Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE SERMENT DU MONT SACRÉ

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Bolivar on a parfois l'impression d'une traduction de Rousseau. Quand il s'agit de célébrer par des fêtes les premiers succès des armées libératrices, il consulte la Lettre sur les spectacles. Le Contrat social, ce « phare des législateurs1 », est son code en politique et la Profession de foi du vicaire savoyard lui tient lieu de religion 2. Pour Napoléon, Bolivar s'est montré plus sévère encore. Il l'accable maintes fois d'invectives : « Dès le jour où il s'est fait couronner empereur, disait-il à son aide de camp O'Leary3, je n'ai plus voulu voir en lui qu'un tyran hypocrite, l'opprobre de la liberté et le pire obstacle à la marche du progrès. » « L'éclat de ses lauriers assurera-t-il au général Mosquera 4, ne me semble plus qu'un reflet de l'enfer : Napoléon, c'est le volcan qui prétend ensevelir sous sa lave la prison du monde. » Mais la violence même de ces attaques suffirait à faire douter de leur sincérité s'il n'était avéré qu'elles furent commandées au Libertador par les circonstances et si la préoccupation, l'obsession même de se modeler sur l'Empereur et d'égaler sa gloire n'apparaissaient en chacune des étapes de sa vie. Nous avons entendu Bolivar devant le seul de ses confidents qui ait eu sa pensée, le général de La Croix 5, Joseph de Chénier. V. LA CROIX, Diario, etc., passim et p. 97. 3. V. O'LEARY, Memorias, etc., op. cit., ch. I, p. 15. 4. MOSQUERA, Memoria sobre la vida, etc., op. cit., p. 11. 5. LA CROIX (Louis, Peru de) né à Montélimar, ancien officier dans la garde impériale, passa en Amérique en 1818 et servit fidèlement Bolivar jusqu'en 1830. Exilé à la mort du Libertador, La Croix revint au Vénézuéla en 1836, prit part à la révolution, dite des Réformes, à Caracas le 8 juillet de cette même année, fut exilé de nouveau, revint en France et mourut par suicide à Paris en 1837. C'est durant le séjour qu'il fit en 1828 à Bucaramanga, auprès de Bolivar, que La Croix écrivit le journal appelé Diario de Bucaramanga et dont une partie seulement a été publiée à Paris en 1869 par les soins de Fernando Bolivar, neveu du Libertador. On y trouve des anecdotes et surtout des jugements précieux recueillis de la bouche même de Bolivar, sur les hommes et les événements de son époque. M. Ismael Lopez, diplomate et littérateur colombien, a découvert tout récemment à Caracas le manuscrit original de La Croix et se propose d'en faire paraître une édition complète dont il a bien voulu nous communiquer fort gracieusement, le texte inédit. 1.

2.


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