Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES DE

LA RÉVOLUTION SUD-AMÉRICAINE

chargé d'affaires de Prusse près le Saint-Siège, traita le jeune américain de très courtoise façon. Une société des plus choisies où fréquentaient l'historien Sismondi, Rauch, le grand sculpteur allemand, son collègue Thorwaldsen et pendant quelques jours encore, Mme de Staël, faisait de la légation prussienne une maison fort attrayante. Bolivar en fut le commensal séduisant et goûté. L'ambassadeur d'Espagne l'avait conduit à l'une des audiences du pape Pie VII et s'était montré scandalisé au plus haut point par son indocile ressortissant qui ne craignait pas, en refusant de s'agenouiller, pour baiser la mule pontificale 1, de rompre avec les plus respectables usages. Cette sortie fit la joie de ses nouveaux amis; il acheva sans doute de se concilier leurs bonnes grâces en proclamant — en un de ces accès d'opportunisme un peu sournois dont il ne fut pas toujours exempt — que « Bonaparte avait beaucoup perdu à devenir César 2 ». Les soirées de M. de Humboldt n'étaient à vrai dire qu'un intermède où le jeune pèlerin assistait par distraction passagère; son être intime était ailleurs et s'abandonnait à l'enchantement de Rome. Les images qui surgissent de partout, dans l'enceinte des antiques musa

vie en correspondance avec Humboldt qui fut même sur le point de venir le retrouver en 1822 et de s'établir en Amérique (v. ibid et Lettre de Humboldt à Boussingault du 22aoùt 1822, dans Lett. Amér., p. 291). On peut voir dans O'LEARY, Documentos, t. XII, quelques-unes des lettres d'Humboldt à Bolivar. Il y fait allusion à leurs communs souvenirs d'Italie et de France : « alors — dit-il — que nous faisions des vœux, l'un et l'autre, pour l'indépendance et la liberté du Nouveau Monde ». (29 juillet 1822, O'LEARY, DOC, t. XII, p. 234.) Bolivar conserva toujours aussi de l'amitié pour Bonpland qui devint plus tard intendant de la Malmaison. Après la mort de Joséphine et la chute de l'Empire, le Libertador lui offrit la direction d'établissements scientifiques qu'il se proposait de fonder à Bogota. Bonpland s'embarqua pour la Colombie, mais ayant voulu auparavant faire un séjour à la Plata, il eut la malencontreuse idée de s'avancer jusqu'au Paraguay, d'où le dictateur Francia refusa pendant dix ans de le laisser partir. Parmi les nombreuses réclamations auxquelles la détention de Bonpland donna lieu de la part de divers gouvernements, il faut mentionner celle que signa Bolivar (V. O'LEARY, Memoriae, t. II, p. 231). 1. O'LEARY, Memorias, ch. I, p. 23. 2. Id.


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