Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

Page 147

LE SERMENT DU MONT SACRÉ

135

s'écrie d'une voix inspirée : « Sauvé, il est sauvé ! » II me prend les mains et, tremblant d'émotion : « Mon ami, si tu étais riche, consentirais-tu à vivre, dis, répondsmoi. » J'étais stupéfait, ne sachant ce qu'il voulait dire; il insiste, me regarde. « Ah ! nous sommes bien sauvés cette fois, reprend Rodriguez... L'or sert donc à quelque chose.... Simon Bolivar, vous êtes riche, vous avez présentement quatre millions !1 » C'est à sa cousine, Fanny de Trobriand, fille d'une sœur de M. d'Aristeguieta, celui même dont Bolivar avait hérité son majorat, qu'il adressait cette curieuse épître. Fanny avait vingt-huit ans. Elle avait épousé en 1796 M. Dervieu du Villars, de beaucoup plus âgé qu'elle et témoignait à son cousin une affection sur laquelle le jeune homme s'était rejeté avec reconnaissance. Les du Villars avaient connu leur parent à Bilbao avant son mariage et l'avaient fort bien accueilli à son récent retour à Paris. Fanny s'était instituée sa conseillère, sa directrice : elle « exigeait des confidences 2 » et devint bientôt « celle à qui l'on ne pouvait celer aucun secret3 ». Une correspondance suivie s'établit entre Bolivar et sa cousine qu'il appelait « Thérèse » dans ces lettres où il s'essayait à lui dépeindre les étapes par lesquelles avait passé « le pauvre gamin de Bilbao, modeste, économe et studieux 4 » pour devenir ce qu'il était aujourd'hui, « le Bolivar de la rue Vivienne, mécontent, paresseux et prodigue5 ». Son style se ressent manifestement de l'air du siècle, des pâmoisons, des soupirs et des regards au ciel dont Saint-Preux et Julie embarrassaient leur écriture. Bolivar connaissait depuis longtemps l'état de sa fortune. La lettre qu'il avait envoyée à Caracas pour avertir son oncle D. Pedro de son futur mariage6, fait allusion 1. Cette lettre, datée de Paris 1804, faisait partie des archives de la famille de Trobriand. Elle se trouve in-extenso dans ROJAS. Ley. Hist., 2" série op. cit., pp. 272-277. 2. Id. 3. Id. 4. Id. 5. Id. 6. V. suprà,


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.