Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE SERMENT DU MONT SACRÉ

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Bolivar était pourtant trop jeune et trop pénétré surtout de ses récentes lectures, pour qu'insensiblement l'étreinte de ce chagrin ne devînt moins douloureuse. Le souvenir de la petite épouse trop vite disparue s'atténuait, prenait une forme romanesque, dont le charme, exprimé plus tard par le Libérateur lui-même, est tout entier dans son aveu: « Je n'oublierai jamais, disait-il, mon entrevue avec D. Bernardo lorsque je lui rapportai les reliques de Maria Teresa; le père et le fils mêlaient ensemble leurs larmes; scène déchirante et délicieuse car c'est un délicieux tourment que le tourment d'amour1. » Bolivar quitta Madrid à la fin de mars et se rendit à Paris. II ne tarda pas à s'y livrer à une existence de luxe et de plaisirs, par laquelle il espérait s'étourdir et qu'il traversa hautain, tourmenté, désabusé en apparence, affichant un mal inguérissable, jouant les René que Chateaubriand mettait alors à la mode. Il éblouissait de son faste D. Fernando del Toro, qu'il avait retrouvé, en même temps qu'un groupe de jeunes créoles dont Carlos Montùfar2, originaire de Quito, fils du marquis de Selva-Alegre, était le chef de file. Il apprit par eux que D. Samuel Robinson, — c'était à présent le nom que portait Rodriguez, — se trouvait à Vienne et partit à sa recherche. « J'attendais beaucoup, écrivait-il quelque temps après, de la société de mon ami, du compagnon de mon enfance, du confident de mes joies et de mes chagrins, du mentor dont les consolations et les avis ont toujours Memorias sobre la vida, etc., op. cit., p. 10. (Carlos), né à Quito vers 1778. Il fit ses études en Espagne et vint au Vénézuéla en 1808 où il prit part aux événements du 19 avril 1810. Il se rendit ensuite à Quito et, nommé commandant en chef des troupes républicaines, il fut battu à plusieurs reprises par les généraux espagnols Tacôn Aymerich et Sâmano. Montûfar brillait plus par son courage et son patriotisme que par ses connaissances militaires. Prisonnier en même temps que Narino en 1813, il parvint à Santa-Fé, mais il fut repris après le combat de la Cuchilla del Tambo et fusillé à.Popayan le 3 septembre 1816. Son père, Juan Pio Montûfar, marquis de Selva-Alegre fut président de la première Junte sud-américaine, celle de Quito, en 1808. Il périt assassiné dans la prison de cette ville le 2 août 1809 (V. infrà). 1.

MOSQUERA,

2. MONTÛFAR


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