Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE SERMENT DU MONT SACRÉ

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épousa Da Maria Teresa dans le courant de mai et partit le jour même pour la Corogne et de là pour Caracas. Le bonheur semblait lui sourire, un bonheur calme et charmant auquel il rêvait de donner pour cadre les radieuses vallées d'Aragua. La vie s'écoulerait là, reposante et douce, loin des intrigues détestées et du tumulte odieux des villes. A peine arrivé à Caracas, la jeune femme emportée par une fièvre maligne, mourait en quelques jours, le 22 janvier 1803. Bolivar restait, à dix-neuf ans, veuf et désespéré. Désespoir sombre, ardent, tragique, comme il fallait l'attendre de l'âme impétueuse et dominatrice qui s'était crue soudain en possession du bonheur et qui demeurait vide à présent, désorientée, palpitante ; ce fut dans la jeunesse du Libertador la crise qui devait décider de toute sa vie. Il s'illusionnait certes en imaginant qu'il aurait pu « mourir, comme il l'avoua lui-même1, dans la peau d'un simple alcade de San Mateo » et son génie l'aurait élevé tôt ou tard, au rang des acteurs que le grand drame de l'Indépendance appelait en scène. Mais il n'y eût peut-être pas joué le premier rôle si, puisant aux sources amères de la douleur les nécessaires énergies, il ne s'y était préparé dès ce moment par l'étude, la connaissance des hommes et des choses que devaient lui donner ses voyages, les enseignements prestigieux qu'ils lui réservaient. Sa préparation, incomplète et hachée, prenait enfin une voie plus directe et plus sûre. Avant tout, Bolivar résolut de partir. Il avait pressenti, durant son rapide séjour en Europe, au travers du voile que ses pensées trop chères interposaient entre elles et la réalité, tout un monde de connaissances à acquérir, de plaisirs aussi, dont il n'avait goûté que le parfum. Il s'attendrit au souvenir des promesses qu'il avait faites autrefois à Simon Rodriguez, son premier confident, le seul qui saurait le consoler sans doute, d'aller le rejoindre et de visiter avec lui l'Ancien Monde. La surveillance de ses propriétés qu'il lui fallait assurer 1. LA CHOIX,

Diario de Bucaramanga. Paris, Walder, in-18

1869,

p.

G2.


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