Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE SERMENT DU MONT SACRÉ

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« Il semble, écrit-il1, que l'existence prenne ici des activités nouvelles pour nous faire jouir des plus douces sensations de la vie. Si on n'y rencontrait pas des moines inquisiteurs, des alguazils farouches, quelques tigres et les employés d'un intendant générai avide, j'aurais presque pensé que le vallon de Caracas était une petite partie du paradis terrestre.... » Avec ses jolies maisons claires, aux tuiles rouges, entourées de jardins toujours en fleurs, ses places bruyantes, ses rues étroites et tranquilles, ses églises et ses ponts, mollement étendue sur les pentes adoucies du mont Avila dont les cimes grisâtres se perdent dans les nuages, Caracas offrait assurément aux yeux un panorama plein de fraîcheur et de grâce. La ville semblait faire partie de la campagne où les eaux limpides du Guaïre coulent à travers les gazons aux pieds des grands arbres tout vibrants de chants d'oiseaux. Elle était alors, après Mexico et Lima, la troisième en importance des capitales du Sud-Amérique et comptait une population de près de 45.000 âmes 2. Les familles de haut rang, comme celle des Bolivar, dont les propriétés foncières constituaient surtout la fortune, préféraient cependant à l'existence malgré tout un peu languissante de Caracas, celle plus large et seigueuriale de leurs domaines. C'étaient, le jour, de patientes surveillances à travers les cultures, en compagnie des intendants, alternant avec les chasses, les promenades à cheval ou les parties champêtres. A la tombée de la nuit, après que la cloche eût sonné l'oraciôn, commençait sous la véranda de l'imposante demeure centrale, le long défilé des esclaves venant demander au maître d'autoriser un mariage, d'accepter le parrainage d'un nouveau-né, de guérir un malade, de trancher un différend. Traités avec douceur, ces hommes aimaient leur seigneur, leur 1. SÉGUR, p. 446.

Mémoires et Souvenirs ou

anecdotes.

Paris, 1827, t. I,

2. V. DE PONS, Voyage à la partie orientale de la Terre-Ferme de l'Amérique Méridionale, contenant la description de la Capitainerie Générale de Caracas, 3 vol. in-8°. Paris, 1806. T. Ier.


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