Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES DE LA RÉVOLUTION SUD-AMÉRICAINE

les plus importants de l'aristocratie américaine, le comte de la Torre Cossio, le comte de Santiago et le marquis de Guardiola, disant agir « au nom de la ville et du royaume de Mexico », envoyaient un émissaire à Londres. Celui-ci, Francisco de Mendiola, était chargé de solliciter des cessions de munitions et d'armes en échange d'un traité de commerce des plus avantageux Les illusions de la jeune diplomatie sud-américaine offraient ainsi des possibilités nouvelles au réalisme averti des bureaux du Foreign Office. A Madrid, les ambassadeurs anglais reçurent l'ordre de multiplier les démarches auprès du premier ministre pour obtenir des concessions en faveur des négociants de la GrandeBretagne. Au moment où Narino se voyait ouvrir les portes du palais de Godoy, celui-ci venait précisément d'être « durement sollicité » par le représentant de la cour d'Angleterre désireux de conclure au plus tôt un traité de commerce 2. Cette impatience pouvait favoriser les projets de Narino, qui partit alors pour Londres et ne manqua pas, dès son arrivée, de chercher à se mettre en rapport avec les ministres. Deux commerçants de la Cité le présentèrent à lord Liverpool. La rupture avec l'Espagne était imminente, et le jeune américain fut écouté avec complaisance. « Je fis— raconte-t-il 3 — un long exposé au secrétaire d'Etat des richesses de la Nouvelle-Grenade, tant pour lui prouver que j'étais bien informé de la situation du vice-royaume que pour le déterminer par l'intérêt des bénéfices qui s'offriraient au commerce de sa nation. » Lord Liverpool fit répondre quelques jours plus tard à Narino que, « s'il était prêt à s'employer à ce que les Grenadins se donnassent à l'Angleterre, il mettrait à sa disposition une frégate de quarante canons, lui promettant, si l'opération réussissait, une fortune brillante et, dans le cas contraire, un asile sûr en pays anglais ». « Je repoussai catégori1. Lettre de créance de D. Francisco de Mendiola. Mexico, 10 novembre 1785. Record Office. Chatham Correspondence. N° 345. 2. SOREL, l'Europe et la Révolution française, t. IV, ch. VI. 3. Requête au vice-roi de Nouvelle-Grenade. El Precursor, p. 225.


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