Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES

DE

LA

REVOLUTION

SUD-AMERICAINE

de la porte « afin, lui dit-il, que vous puissiez fuir en sûreté votre crime accompli ». — « Non, je ne saurais tuer Narino » s'écrie le misérable, désarmé par tant de sérénité. — « Asseyez-vous, en ce cas, réplique l'autre et causons des choses de la patrie. » Et lorsque., vaincu devant Pasto, le 12 mai 1814, son armée dispersée, fugitif lui-même, après avoir erré durant trois jours dans la montagne, il est tombé entre les mains de ses ennemis et ramené au milieu des huées homicides de la populace royaliste c'est encore avec un mot à la Marins qu'il fait reculer les assassins : « Me voici, je suis le général Narino. » La captivité que subit alors le Prôcer fut la plus abominable qu'il eût encore endurée. Durant trois années on le traîna des cachots fétides de Pasto aux malsaines prisons de Quito et du Callao, d'où, sur un mauvais voilier qui mit près de dix mois à atteindre les côtes d'Espagne, enchaîné, brûlant de fièvre, à peine nourri, le malheureux fut cent fois sur le point d'expirer. A Cadix, il passe encore quatre ans terribles dans une geôle de la cancel real, « au secret, presque nu, avec pour seuls aliments ce qui restait de l'ordinaire des malades de l'infirmerie 1 ». En 1820, l'insurrection espagnole le tire enfin de prison. Moins de deux mois après, Narino, n'ayant rien perdu de son énergie, présidait dans l'île de Léon un club révolutionnaire dont faisaient partie Quiroga2, Riego3 et Alcalâ Galiano4 et dénonçait dans de violents articles les « cruautés du général Morillo 5 » qui s'épuisait à ce moment à la reconquête de la Côte-Ferme. Toujours surveillé cependant par la police, Narino 1. Défense de Narino devant le sénat de la République de Colombie le 14 mai 1823, dans El Precursor, p. 551. 2. QUIROGA (Antonio), général espagnol, l'un des chefs du soulèvement de 1820, né en 1784, mort en 1841. 3. RIEGO (Rafaël del), général espagnol, l'un des chefs du soulèvement de 1820, né en 1785, pendu à Madrid le 7 novembre 1823. 4. GALIANO (Antonio Alcalâ), littérateur et homme politique espagnol, né en 1789, mort en 1805. Prit part avec Quiroga et Riego à l'insurrection de 1820. Il devint ministre de l'Instruction Publique en 1864. 5. C'est à ces « Lettres » signées du pseudonyme Enrique Samovar que répondent les Mémoires du général Morillo. V. infrà.


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