Œuvres. Tome deuxième

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était assise ; elle avait ouvert un roman, en avait lu quelques pages en tordant les mèches folles de ses cheveux, qui lui tombaient sur le front, puis avait refermé le livre, maîtrisant un léger baillement. Je m'étais assis presque en face d'elle Je la suivais des yeux ; je ne perdais pas un seul de ses mouvements. Mon regard la dévorait. Elle s'en aperçut et une vive rougeur colora ses joues. Elle se pencha alors vers sa mère, lui dit quelques mots à voix basse. La mère tourna vers moi un regard nonchalant, et retomba dans son immobilité. A la Pointe-Allègre, tandis que le vent soufflait avec force, le bateau se livra à une danse effrénée. Ma belle inconnue tint bon un moment, puis elle enroula sa frileuse autour de son cou, se croisa le bras contre la poitrine et ferma les yeux. J'en profitai pour la contempler plus à mon aise. Un léger souffle soulevait sa poitrine ; sa bouche s'entrouvrait co nme une fleur, laissant voir ses dents blanches, laiteuses, si mignonnes qu'on eût été heureux d'être mordu par elles ; le soleil se jouait dans ses eheveux et les; faisait étinceler comme autant de rayons d'or. Mon regard ne pouvait se détacher de sa personne. Le devina-t-elle ? Je ne saurais le dire ; mais elle ouvrit les yeux, fronça ses beaux sourcils, eut une moue dédaigneuse, presque courroucée. Je ne savais quelle contenance faire,


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