Œuvres. Tome deuxième

Page 166

quand je vis la petite indienne s'avancer pour recevoir la houe que lui tendait le chef d'atelier, j'éprouvai un sentiment de profonde pitié. Ces mains mignonnes, I aux doigts fluets, pourraient-ils manier le lourd instrument de tra ail ? ce corps f si délicat resterait-il courbé des heures entières sur une besogne pénible? cette charmante créature serait-elle exposée à l'ardeur d'un soleil de plomb ? Cela ne se pouvait, cela ne pouvait pas être !

j

— Jean-Noël, dis-je alors vivement au chef d'atelier, cette enfant est trop faible pour l'employer au « jardin ». Jusqu'à nouvel ordre, puisque tan Vincines est malade, elle prendra soin des enfants. Quand vers neuf heures jepassai devant sa case, je vis la jeune indienne entourée d'un cercle nombreux d'enfants plus ou moins vêtus et débarbouilles, envers lesquels elle remplissait gravement et consciencieusement son rôle de petite mère. Je m'arrêtai à la r< garder. Elle ne put s'empêcher de baisser les yeux sous ce regard qui l'interrogeait jusque dans , l'intime de son être. Je m'approchai. Elle me prit la main qu'elle porta à ses lèvres en me disant ; —- Toi, hou capitan î !

— Comment ! fis-je étonné et joyeux tout à la fois, tu parles le français?

j — Oui, répondit-elle, mais pas beaucoup.

|


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.