Œuvres. Tome deuxième

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c'est moi qui prenais note des journées de chacun et. la quinzaine venue, « faisais le salaire ». Pendant la récolte je surveillais la coupe des cannes et leur transport devant le moulin ; c'est moi qui faisais mettre le sucre sur « limande » et présidais à la fabrication du « taf ». J'étais heureux, je vous le répète, et j'en connais plus d'un qui l'eussent été à moins. Tout, à mon avis, allait pour le mieux sur la meilleure des habitations possible, quand le propriétaire, qui n'avait pourtant pas à se plaindre de ses travailleurs créoles, s'avisa d'adresser une demande à l'administration pour obtenir des immigrants indiens. Ils arrivèrent, ces immigrants, et du jour de leur introduction sur la propriété, date le changement subit qui s'opéra en moi et causa mou malheur. Dès le matin, une charrette, attelée de trois mulets et qu'accompagnait le géreur, avait été les prendre a la Pointe-à-Pitre. Quand ils débarquerent devant la maison principale, la I nuit tombait. Ils étaient dix, sept hommes et trois femmes. Sur leurs visages amaigris se lisaient les fatigues et les souffrances du long voyage qu'ils venaient de faire. Il se tenaient debout, en silence, un peu intimidés par les regards curieux des travailleurs créoles que l'annonce de leur arrivée avait attirés. Sur l'ordre du propriétaire, je leur distribuai une ration de riz, de morue et


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