Œuvres. Tome deuxième

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BONTÉ D'ENFANT A la mémoire de mes chers et regrettés filleuls André AUREL & Josèphe PAOLE. Il était assis sur le trottoir, le dos appuyé contre un des battants de la porte d'un couloir, la jambe gauche étendue tout de long, la droite, nue jusqu'au genou, recourbée et ses deux mains jointes reposant dessus. Sous un reste de chapeau ses longs ; cheveux noirs, embroussaillés, mêlés de quelques fils blancs, s'échappaient, et retombaient sur ses maigres épaules. Des loques couvraient son pauvre corps, des hail-j lons étranges, maculés de tâches, desouillures, d'une boue jaunâtre. Il était la proie de l'anémie qui avait boursouflé ses joues, enflé ses mains et ses pieds, gonflé son j ventre. Une plaie hideuse, tout près de la cheville du pied droit, laissait découler un j pus épais qui faisait détourner la tête de dégoût. Ses yeux s'enfonçaient dans leur orbite et, autour de sa bouche grande ou-;

verte que frangeait une légère ecume, des mouches, gourmandes bourdonnaient et venaient se poser. Des individus s'arrêtaient, enfants, bonnes, ouvriers, commis, qui le dévisageaient d'un oeil Curieux. — Pauvre diable, disaient les uns ! — Il va mourir, s'exclamaient les autres. — Feingnant ! — Couli malade ! — Couli marron ' — Travaille empile, l'argent pitit, di riz pitit, ricanait une vieille à la bou: ehe édentée. Et tous de se tordre, — Dindin oudin, dindin oudin ! Ka baille di riz, ka baille morte ! Dindin oudin, dindin oudin ET l'on chantait, en battant des mains. (Cela devenait très amusant ! N'


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