Oeuvres : Un bonheur impossible. Tome premier

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tention, mais ses forces l'ont trahie et elle est retombée sans mouvement sur le banc. Elle tremblait comme la feuille qui sent venir l'orage ou le cerf aux abois que poursuit la meute impitoyable. Je me suis mis à genoux devant elle, je lui ai pris les deux mains : elles étaient froides et glacées comme celles d'une statue dont elle avait l'immobilité et la pâleur. Seulement, au contact de mes mains, elle a été saisie d'un frisson nerveux et ses yeux se sont fermés sans doute pour éviter mon regard. A la voir ainsi, abattue, on eût dit la statue de la Résignation ou de la Pitié. Je l'ai regardée un instant. De ses yeux clos, j'ai vu couler deux larmes silencieuses. J'en ai été profondément ému. — Pauline, lui ai-je dit alors, est-ce ainsi que vous me recevez ? pourquoi donc pleurez-vous ? auriez-vous pour de moi ? ne suis-je plus votre ami ? Répondez-moi, je vous en prie ; que ce silence ne dure pas plus longtemps ! — J'ai peur, a-t-elle murmuré, j'ai peur de vous Raoul. — Qu'avez-vous ,à craindre, Pauline, quand je viens vers vous l'âme joyeuse, le sourire sur les lèvres, le cœur débordant d'amour ? Qu'avez-vous à craindre, dites, quand je vous aime comme aux premiers jours ; quand je viens vous dire : « Voulez-vous que je sois le père « de voue enfant ? voulez-vous m'aimer ainsi que par le passé ? » — Raoul, par pitié, ne vous jouez pas de moi, s'est elle écriée en me retirant ses doux mains, oh ! ne faites pas luire à mes yeux l'immage du bonheur: vous savez bien que j'en suis indigne.


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