Oeuvres : Un bonheur impossible. Tome premier

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Tu es mon seul ami, toi, oui, le seul. i Pour toi, je mets mon cœur à nu ; je le déshabille sans crainte en ta présence et, f ainsi qu'en un livre ouvert, tu lis tout ce f qui s'y trouve écrit. Toi, du moins, tu me resteras toujours fidèle. J'attends le courrier avec impatience. Il doit m'apporter une lettre de ma mère. Cette lettre me donnera peut-être le courage de continuer mes études, car je ne fais rien depuis que j'ai quitté P... Mon inaction m'est pénible, insupportable; cependant je ne me sens pas la force de la secouer. Depuis bientôt un mois que je suis à Bordeaux, à peine me suis-je présenté une fois au cours de l'Ecole. J'éprouve un dégoût mêlé d'ennui, un je ne sais quoi qui me saisit dans ses larges anneaux jet me serre à m'étouffer. Mais cela ne peut longtemps durer. J'ai pris la chambre que j'occupais avant l'affreuse catastrophe qui est venue m-assaillir. Tout dans cette chambre me rappelle ma Pauline adorée. Mon cœur saigne au souvenir des soirées délicieuses que nous y avons passées ensemble, assis l'un vis à vis de l'autre, moi lisant, elle interrompantson travail pour me regarder ■de ses grands yeux noirs pleins d'une ineffable tendresse. Quelquefois même, il me semble entendre son doux chant — j sa voix aimée qui soulevait en mon âme tant d émotions diverses. Je prête alors l'oreille ; j'écoute , je retiens les battements j de mon cœur ; mais hélas ! ... rien, rien ! Les beaux jours ne luiront plus pour moi ? Où raviver mes émotions éteintes ? Que sont devenus, ô mon cœur, vos bat-! tements précipités, vos soudains élans ?


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