Oeuvres : Un bonheur impossible. Tome premier

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insisté de façon si aimable, que je n'ai pu que me rendre à son désir. Ne suis-je pas son esclave ? n'est-elle pas mon tout ? n'était-ce pas le ciel qui s'ouvrait devant moi, dans cette invitation gracieuse faite avec une voix plus ravissante que la plus délicieuse harmonie ? J'ai donc obéi. En entrant dans cette chambre, un frisson étrange a couru dans mes veines ; j'ai été comme énivré par le parfum virginal qui s'exhalait autour de moi. Ainsi donc, c'était sur ce lit qu'elle se reposait des fatigues du travail journalier ; c'était à cette table qu'elle mangeait ; c'était ce meuble qui cantenait ses pauvres hardes ; c'était... que vais-je dire encore ? C'était cette chambre, un paradis pour moi, qu'elle habitait ! Elle m'a avancé l'unique fauteuil qu'elle posséde et s'est assise sur une chaise, devant moi. Nous ne savions que dire. Enfants que nous sommes ! Nous étions là, rouges comme des cerises, tremblants d'émotion, sans paroles, sans voix, ainsi que des gamins surpris en flagrant délit. Il fallait pourtant mettre un terme à ce j silence qui devenait embarrassant. Elle le rompit par une de ces banalités qui ouvrent toute conversation ; puis, devenant plus familière, elle m'a raconté sa vie, la mort de son pauvre père, celle de sa mère, son isolement, son embarras au milieu d'un monde inconnu, son désespoir, ses larmes, sa confiance en Dieu qui ne l'a pas abandonnée, puisqu'elle travaille, i puisque tant bien que mal elle gagne sa vie, et n'a aucun souci. C'était bien là le récit que m'avait déjà


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