Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

çais vivent encore, ayant conservé notre langue, notre caractère, nos mœurs, où tous les indigènes, malgré la conquête anglaise, parlent un patois si proche des nôtres qu'il semble un vieux dialecte importé hier d'une de nos provinces. Bientôt nous franchissons ces passes étroites dont je fis la description à l'arrivée. Un instant, je revois ces petites îles qui semblent flotter sur les eaux. Maintenant les mamelons bosselés de leurs derniers promontoires s'enfoncent peu à peu sous l'horizon. Le soleil couchant les revêt d'une teinte rose délicieuse, si délicieuse qu'on éprouve une mélancolie plus profonde encore à les voir si tôt disparaître. Mais le soir monte, envahit l'espace de ses nuances légères etdouces. Tout regret, toute pensée même s'évanouissent sous la caresse de leur incomparable harmonie. Autour de nous s'étend la mer, sans un pli, aussi tranquille que le ciel calme. Nulle ombre dans cette lumière, sauf quelques taches flottantes, flocons effilochés de notre fumée ; nul bruit dans cette étendue, sauf le battement de nos machines, le ronflement de l'hélice, et le claquement d'une voile que l'on vient de tendre à l'avant pour aider à la marche du navire.


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