Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

Pendant six heures, au trot de mes deux chevaux, j'ai traversé ces champs immenses, croisé de temps à autre par un planteur à cheval, par un groupe d'ouvriers nègres qui se rendaient à leur ouvrage. C'est en effet l'époque de la récolte. Çà et là, des escouades d'hommes, de femmes, d'enfants munis de couteaux ou de croissants, s'occupent à séparer des branches les gousses brunes du cacao. Sans cesse, on rencontre, on dépasse de petits tombereaux traînés par des mules, remplis de ces fruits odorants. Et ce soir, au salon de l'hôtel, après dîner, je ne m'étonne plus, en apprenant, que toutes les forêts vierges de Trinidad sont en voie de disparaître devant la hache de l'homme. Rapidement, les plantations de cacao les remplacent. La civilisation avec ses besoins croissants, avec ses désirs de lucre, ronge le sol primitif dont bientôt il ne restera plus ici que des lambeaux. — Mais toutes ces entreprises réussiront-elles ? Donneront-elles théquées et que peu de grosses fortunes étaient exemptes de ces charges. Mais il faut ajouter que l'hypothèque dans ce pays neuf et d'extension croissante n'a pas le même caractère que chez nous. On compte sur l'avenir pour venir en aide au présent, et l'on vit largement, sans gêne, dépensant au delà de ses revenus actuels, escomptant, imprudemment peut-être, les revenus futurs des plantations nouvelles que l'on crée.


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