Aux Antilles : hommes et choses

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DE PAUILLAC A TRINIDAD

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derrière ce promontoire, Saint-Pierre va nous apparaître. De nouveau les jumelles se braquent ; la curiosité, l'émotion, l'anxiété redoublent, plus oppressantes que tout à l'heure. A bâbord, sur le pont, au long du bastingage, les passagers hors des cabines se tiennent debout, silencieux. Sur le rivage, tout à coup, Saint-Pierre se dessine, ou plutôt un amas confus de pierres amoncelées, de murailles écroulées. Partout des herbes ; d'êtres vivants nulle part. Voilà tout ce qui reste de cette cité gaie, florissante, une des plus radieuses des Antilles. Une trombe passa : ce lut une métamorphose. — Universel destin des choses de finir et disparaître. Ne passons-nous pas, nous aussi, ne glissons-nous pas sur cette mer, dont changent à nos yeux, avec une inconcevable rapidité, les spectacles et les horizons ! — Déjà Saint-Pierre s'éloigne ; et comme pour tous, la cité vivante a disparu dans le temps ; pour nous, aujourd'hui, la cité de mort s'évanouit dans l'espace. Au pied des collines, voici un petit village enfoui sous les palmiers, avec ses toits intacts, la flèche légère et fine de son église : le Carbet. Là s'arrêta la vague dévastatrice de l'éruption. Et sur tous ces mamelons, aux pentes de ces coteaux, au long de ce rivage la vie recommence mainte-


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