Aux Antilles : hommes et choses

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EN MER

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Étrange anomalie que cet hommage causé par cette haine. Pour les combattre que reproche-t-on à ces blancs, en définitive? Leur cruauté,leur injustice actuelle ? nullement ;leur fortune ? peut-être ; mais ceci surtout: d'être les fils des anciens privilégiés, des anciens maîtres, des anciens boucaniers, qui peuplèrent de noirs les Antilles. Si l'on n'ose l'imprimer1, on le murmure ; et nul ne se dit que sans ces flibustiers il n'existerait même pas. On l'a fait depuis. Voici un extrait du journal L'Opinion, mai 1906, pendant la dernière période électorale. Je cite mes auteurs, ne voulant pas être accusé d'exagérer à plaisir. On verra quels sont les sentiments abominables qu'une certaine fraction de la population martiniquaise prête injustement aux blancs de là-bas, dans le but de les perdre. — Au soir de l'élection de M. Duquesnay (député de couleur soutenu par les blancs), quelques cris de : Vive Békés, se firent entendre. Le lendemain parut l'article suivant, intitulé : Vive Békés. La haine, en son ampleur y atteint l'éloquence. «Vive Békés! tel est le cri, cri sinistre s'il en fut jamais dans notre colonie, qui retentissait, dimanche soir, dans les rues du chef-lieu, à la nouvelle du succès imprévu de M. Duquesnay. Ceux-là, qui veulent toujours et méchamment sur les terres françaises des Antilles, rejeter, sur le parti républicain, les responsabilités des luttes ethniques et des haines de race,étaient précisément les mêmes gens qui poussaient ce cri de guerre dans nos rues d'ordinaire si paisibles. On sait, en effet, que ce sont eux qui ont fait l'élection de M. Duquesnay et il n'est pas un d'entre nous qui, entendant cette clameur, n'en ait 1.

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