Aux Antilles : hommes et choses

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LA GUADELOUPE

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métamorphosés tout entiers en puissants instruments de musique ? La foule, elle aussi, suit la cadence, martèle le pas, tourne,danse avec un infatigable entrain. Les couples passent, enlacés d'une façon étroite, sensuelle. Les négresses surtout montrent une face grave ; leurs yeux alanguis, mi-clos, trahissent un vague étourdissement. Et la note comique, comme toujours dans ce pays,apparaît çà et là. Certaines danseuses, au dernier moment, n'ont pu, sur leurs jambes trop grosses, boutonner des bottines hâtivement achetées. Un bas mal retenu tombe en vrillant sur leurs chevilles, et formant contraste avec la jupe claire relevée, un mollet noir apparaît, plongeant dans la fine chaussure qui bâille, comme dans un entonnoir. A minuit, une heure, les danseurs deviennent plus pressants, les danseuses plus abandonnées. Les musiciens, pour marquer la mesure, lèvent une jambe puis l'autre jusqu'au menton, comme s'ils actionnaient des pédales. Les figures de quadrilles se succèdent risquées, hardies, lascives. L'une d'elles, « le cassé corps » me paraît tout à fait originale. La musique se plaint, soupire, mélancolique, traînante. Cambrant les reins, chaque danseuse se renverse ; sur elle, les deux mains glissées sous ses fesses lourdes pour la soutenir, se


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