Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

d'un quinquet, puis d'un autre, et se perdre enfin dans les profondeurs obscures de la rue. La salle, éclairée de lumignons, pavoisée de palmes et de drapeaux, grouillante de couples enlacés, résonnait du bruit sourd, étouffé des pas. L'orchestre placé au fond, sur une estrade,jouait des mazurkas, des valses, des quadrilles, avec un entrain endiablé ; et certes, les musiciens n'étaient pas les personnages les moins curieux à observer. Les nègres ont moins le sentiment de la musique que celui de la cadence. Ce qu'ils aiment dans un morceau c'est une phrase simple, avec un refrain accentué. Ni les symphonies de Beethoven, ni les opéras de Wagner ne leur agréent. Il y a dans ces génies une puissance de sentiment et de pensée qui les dépasse. Une valse pour eux n'est qu'un air perfectionné de bamboula. Mais le sentiment d'un rythma simple, ils l'ont à un très haut degré. Ce soir, les musiciens, clarinettes, flûtes, pistons, trombones, gesticulent à qui mieux mieux en soufflant dans leurs instruments. La tête, les bras, le torse, les pieds, tout marche, se balance, se trémousse pour marquer la cadence. Involontairement l'on se dit:Sont-ce bien ces pavillons seuls qui résonnent, ou bien, participant aux notes émises, ces bras, ces jambes, ces torses agités de musiciens ne font-ils pas corps avec ces cuivres,


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