Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

On se mit en route. Par un joli sentier à lacets bordé de cactus et de fougères nous montâmes à la mairie des Vieux-Habitants. En tête tourbillonnait un groupe d'éclaireurs, bande de négrillons moitié nus, dansant, hurlant ; puis d'un pas allègre trottaient les musiciens soufflant dans leurs cuivres, tapant sur leurs tambours, emplissant la vallée d'un épouvantable vacarme. Certains airs triomphaux ressemblaient à des marches funèbres; d'autres morceaux, tristes et lents d'ordinaire, prenaient tout à coup une allure sautillante. Derrière eux, de temps à autre, la foule entonnait des couplets de l'Internationale. Et dans cette petite île où le service militaire reste insoupçonné, qui ne connaît ni la charge ni la gloire d'être une grande nation, l'hymne révolutionnaire, sans aucun sens précis, devenait quelque chose d'étrange, de bizarre et d'inattendu. Enfin le gros de la troupe s'avançait. Perdu au milieu de son escorte à peine pouvait-on distinguer le candidat : le dieu. On voyait seulement son casque blanc, rond comme un melon, qui se balançait parmi les bonnets multicolores des femmes et les hautes gerbes des grands bouquets. Celles-ci radieuses, ravies, charnues comme des Vénus hottentotes, riaient la


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