Aux Antilles : hommes et choses

Page 204

192

AUX ANTILLES

mes des opinions dans la mesure où ils les manifestent, cher Monsieur, mais, dans la rue, lorsqu'ils crient : Vive l'un, vive l'autre, mettez que, par hasard, il s'agisse justement de celui-là dont ils attendent quelque chose. » Ainsi parlait ce nouveau docteur Pangloss ; et je songeais: « Cher philosophe,ne soyez pas trop optimiste. Pour certains du moins, les passions m'apparaissent poussées à l'extrême ici...» Autre électeur, autre son de cloche. Tout à l'heure, soupçonnant ma qualité d'étranger, un grand diable de mulâtre, haut comme une tour, m'aborde ; puis, voyant mon détachement des luttes électorales il me déclare : « Ah mon pauvre Missieu, quel pays que le nôtre ! Ravagé, rongé de politique. Cette union des blancs et des noirs, quelle honte! Par leur situation pécuniaire, et leurs propriétés les blancs dominent. Or ce qu'ils veulent c'est leur tranquillité. Les nègres, eux, désirent entrer dans l'administration ; et voilà le terrain de l'entente. Et puis, ce gouverneur, certainement, ce fut lui qui incendia son palais ; et cela pour flétrir, pour perdre ses ennemis politiques en les accusant de ce méfait. Et tenez Missieu, lisez sa dernière proclamation ; il veut rétablir l'esclavage, le gredin, c'est abominable, le filou ! — Vous vous abusez, mon ami, répliquai-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.