Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

pact, différaient entre eux ; on le voyait bien maintenant. Sur ce vaisseau de fer, sous la gueule de ces canons menaçants on sentait que leur union avait quelque chose de factice, qu'ils se trouvaient assemblés là par une force étrangère et brutale, par une impérieuse nécessité qui violentait l'ordre paisible et naturel des choses. Trois heures, en mer. — Sur le pont du paquebot la Martinique je passe à nouveau au milieu de l'escadre. Debout à la poupe, en agitant mon casque, je dis un adieu probablement éternel à ces jeunes officiers dont l'accueil fut si cordial, à Fortde-France cette jolie ville étalant ses maisons blanches sur sa lagune. Et comme à chaque départ je sens monter en moi une vague tristesse. Pour la dissiper, il est vrai, un spectacle m'est offert ; le plus plaisant, le plus cocasse, si j'ose dire, que l'on puisse imaginer. Le roi Behanzin, ses jeunes femmes et son fils sont à bord. Ce vieux roi nègre rit largement, et ses lèvres retroussées découvrent des dents pointues comme celles d'un tigre. L'éruption du mont Pelé, les tremblements de terre, tout cela ne lui disait rien qui vaille ;il ne l'avoua pas, mais se plaignit du froid, du vent, des gens, de la pluie, du beau temps, que sais-je ;


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