Aux Antilles : hommes et choses

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LÀ MARTINIQUE

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j'ai déjà tant de fois décrits. Bientôt nous arrivâmes au bord d'un torrent dont les rives disparaissaient sous les bambous et les lianes. Bourrés de verdure jusqu'à leurs cimes, de hauts sommets nous environnaient, et la végétation s'y montrait à ce point touffue et dense qu'on ne savait si ces montagnes étaient bien l'effet d'un boursouflement du sol, ou si plutôt leur masse entière formée d'arbres aux proportions colossales, n'était, sur la terre plate, qu'un plein massif de végétation monstrueuse. Au-dessus d'elle, les dominant de leurs trois cônes aigus, se dressaient les pitons de Carbet où des nuages blancs s'accrochaient. Dans l'herbe touffue, et sur de fines graminées, des taches de soleil ondoyaient, tombant à travers les branches. Le vent, en secouant leurs rameaux, les faisait osciller comme de grandes fleurs d'or pâle. L'air chargé de parfums lourds, de senteurs inaccoutumées était oppressant à respirer. La chanson des grillons, cette chanson stridente et continue résonnait partout sans qu'on les vît nulle part. — Et cette nature trop riche, trop luxuriante semblait s'assoupir dans une somnolence voluptueuse; l'on se sentait envahi par son charme alanguissant. De temps à autre, glissant sur les


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