Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

compagnons que l'on emmène et ceux que l'on rencontre. On subit les uns, on choisit les autres. Jamais je ne me suis senti isolé au cours d'un grand voyage. — Aujourd'hui je retrouve mon compagnon de paquebot qui, l'autre jour, me conduisait à Saint-Pierre. Nous allons ensemble à la fontaine Didier, station thermale de la Martinique, délicieuse équipée et qui vaut bien une mention. Pendant deux heures nous suivons la route; et je me désole. Pour moi, à moitié Martiniquais déjà, c'est une promenade banale je l'avoue. Tous ces arbres si singuliers de prime abord je les ai tant vus depuis un mois, qu'ils ne m'étonnent en rien. Un palmier, un aréquier, un tamarinier me semblent aussi familiers qu'un saule ou un peuplier. Ces plantations de cacao que je traverse, volontiers aujourd'hui je me figure avoir toujours vécu au milieu d'elles; tant il est vrai que seul l'inconnu fait le charme d'un voyage! Deux ou trois visions d'une chose suffisent à la déflorer, Déjà, je le remarquais en parlant de la mer et des tropiques. — Pour jouir constamment de la nature, il faut être un grand savant, avoir l'âme d'un artiste, ou les yeux émerveillés d'un petit enfant.


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