Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

elle-même alimente ainsi le moulin qui la broie. Enfin, viennent diverses opérations : défécation à la chaux en de vastes chaudières, filtrage sur le gravier ou la bagasse, cuisson, turbinage ; cette dernière opération tout à fait semblable à celle pratiquée en France pour les betteraves. Mais ce que ne peut rendre cette courte, cette froide énumération, c'est l'enchevêtrement des machines,c'est le tumulte de l'usine ; le spectacle qu'offrent ces hommes de bronze à moitié nus, ruisselants de sueur, travaillant, courant, s'agitant en haut, en bas, à vos côtés, sur vos têtes, sous vos pieds, à tous les étages de l'immense ruche bourdonnante. Et tout à coup, l'image de cette usine en travail évoque pour moi l'idée de la collaboration féconde, qui, pendant deux siècles, a fait ce pays. Certes, les blancs furent utiles à cette colonie, ils en ont été la tête et le cerveau, mais les nègres en furent les bras. Supprimezles : point de main-d'œuvre. Pour fournir un tel effort physique sous un pareil climat, il faut ces hommes de race tropicale : Nègres, Indous, Chinois. Sans eux toute l'activité industrielle de ces contrées ne serait pas seulement languissante ; elle n'existerait même pas. J'eus alors l'impression très nette d'une solidarité nécessaire, d'une


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