Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

et le soin même qu'ils apportaient à la dissimuler, trahissait la contrainte de leurs pieds emprisonnés1. Le Lamentin est un bourg coquet, très commerçant surtout, avec des magasins propres et luisants. Un négociant de la métropole vient d'y installer comme à Fort-de-France des petites contrefaçons de Bon Marché fort réussies ma foi. On y trouve toutes choses : pour deux ou trois francs par exemple, des chapeaux de paille élégants et coquets. Hier, à Fort-de-France, séduit par l'idée de porter un chapeau de paille des Antilles, j'en fis l'emplette. Horreur! Au fond de la coiffe, je viens de lire ces simples mots: « Importé de Suisse. » Où fuir, où se réfugier, grand Dieu? On achète un chapeau à la Martinique, il vient de Lucerne. Alors,peut-être, trouvera-t-on les produits des Antilies au sommet du Righi!

1. Cette inaptitude des noirs à porter des chaussures aboutit à des conséquences fort drôles. J'ai vu à Fort-de-France les enfants sortir de l'école,un pied chaussé, l'autre nu, et portant la chaussure qui ne leur servait pas à la main. Le règlement en effet les oblige à avoir des souliers. Chaussant un pied, ils manifestent leur bonne volonté ; n'en chaussant qu'un, ils souffrent moins, n'usent leurs bottes que l'une après l'autre, et réalisent ainsi une économie.


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