Aux Antilles : hommes et choses

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LA MARTINIQUE

la végétation qui l'étreint, on traverse le cimetière nouvellement déblayé et dont les longues dalles plates et blanches semblent une ironie dans cet immense ossuaire. Ville étrange où les vivants ne laissèrent aucune trace, où les morts devinrent les privilégiés, où, seuls, à l'heure du cataclysme, ayant une sépulture, ils la gardèrent ! Par une route en lacets, aujourd'hui obstruée de ronces et de lianes, on atteint le sommet du morne d'Orange. Face au mont Pelé ce morne surplombe la mer et la ville, et c'est de là qu'il faut voir Saint-Pierre. Le rivage s'échancre en une anse profonde ; la mer, de son remous constant, le borde d'une frange d'écume qui, d'ici, paraît un fil blanc immobile. A nos pieds, à pic, les maisons du mouillage aux toits défoncés, pressées les unes contre les autres, laissent bâiller leurs formes éventrées et cubiques. Mais plus loin, détruites, pulvérisées par le volcan, les bâtisses n'ont plus ni structure, ni contours. La végétation les a presque totalement submergées. A peine çà et là percent-elles, posées comme d'étranges menhirs sur la plaine verte. Le mont Pelé, fauve, dénudé, domine au loin tout ce paysage. A son sommet, un amas de nuages lourds, moitié vapeur, moitié fumée 10


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