Aux Antilles : hommes et choses

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LA MARTINIQUE

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éprouvée, lorsqu'à ce dernier détour de la route on aperçoit tout à coup les premières maisons en ruine du mouillage, il est impossible de la rendre. Rien ne vous prépare à semblable vision. De quatre ans à peine date cette catastrophe, cinq cents ans se seraient écoulés que vous n'escompteriez pas un plus étrange spectacle. Au premier plan une fontaine de bronze émerge, puis se dessine la rondeur d'un bassin aux pierres verdâtres et moussues ; partout apparaît un chaos de pierres noires déchiquetées, disjointes ; çà et là des pans de murailles grises et lézardées se dressent avec leurs fenêtres béantes toutes pleines de ciel bleu. Et cela, fauve, tourmenté, surgit d'une immense nappe de verdure qui, làbas, très loin, s'en va finir aux premiers contreforts ocreux et dénudés du volcan. On arrive, on pénètre dans la rue Victor-Hugo, la longue rue centrale qui, d'un bout de la ville à l'autre, court parallèlement au rivage. Elle est la seule déblayée à l'heure actuelle, la seule qui mette en communication avec le reste de l'île les rivages du Ceron et du Prêcheur, longtemps isolés par cet amoncellement colossal de ruines entassées 1. Des deux côtés, de hauts talus en pier1. Avant le déblaiement de cette rue, les nègres de ces villages, m'a-t-on dit, étaient redevenus sauvages, circulant tout


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