Aux Antilles : hommes et choses

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AUX ANTILLES

« Cette situation, on la cache évidemment, mais elle se révèle à chaque instant ; cette haine on ne l'avoue pas., on la nie même, mais elle transpire de partout. Elle se sent à je ne sais quoi qui flotte dans l'air. Un détail mesquin tout à coup la trahit, une circonstance insignifiante la fait apparaître. » « Nous voici à cinq heures sur la Savane. La musique de l'escadre vient de descendre à terre. Les familles de la haute, de la petite bourgeoisie, s'y trouvent rassemblées. Voyez: Parfois la démarcation est frappante ; d'un côté les familles blanches, de l'autre les mulâtres. Se rapprochent-elles, des regards indéfinissables s'échangent, sournoisement. Et quelle attention scrupuleuse apportée à des distinctions ethniques que nous autres métropolitains nous ne soupçonnons pas. Les plus insignifiantes traces de sang nègre sont infailliblement reconnues, stigmatisées sur les visages. — Voilà, dites-vous, une jolie personne. — N'avez-vous point remarqué ses lèvres ? — Cette jeune fille vous paraît charmante. — Voyez les lobes de ses oreilles. — Cette femme souple et distinguée. — Remarquez l'épatement léger de ses narines. — Vous les croyez blanches, elles sont mulâtresses. » « Ainsi d'imperceptibles différences de race qui


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