Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

— Voilà qui résume à merveille, fit M. Lambert en riant aux éclats, la philosophie de l'amour et tout ce que les anciens et les modernes en ont pu dire. — Dites au moins de l'amour nègre, interrompit M. Bréart, et mieux encore, de l'amour nègre vis-à-vis des hommes de chez nous. C'est l'esclave qui se pare des dépouilles du vainqueur. Mais ils sont, entre gens de leur race, plus portés qu'il ne faut à l'amour et ses mystères sans que l'intérêt les y pousse. Quand je régissais la sucrerie de Messieurs Maurellet, j'ai vu de mes hommes quitter la plantation le samedi à minuit, après le travail, et faire quatre ou cinq lieues de pied à travers la montagne pour aller retrouver leur maîtresse. Peu d'entre nous auraient cette vaillance, et quant à moi, madame, je ne le ferais que pour vous. Il se tournait vers Madame Shepherd qui rougit un peu et battit des paupières sans mot dire. — Je suis assez de cet avis, intervint M. Mouse, le capitaine anglais de la caiche. Je ne puis avoir les préjugés des gens de mon pays contre les hommes de couleur. Je n'oublierai jamais la toute jeune fille que j'ai vue vivre et mourir à bord de ce navire, le Jersey, où je n'étais qu'un pauvre pilotin, et c'est de cette enfant, qui n'était peut-être qu'un ange, après tout, que je voudrais vous parler aujourd'hui.


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