Les corsaires du Roi

Page 69

LA MUSIQUE DANS LA BATTERIE

67

par les rafales et le courant. Notre mât d'artimon était cassé presque au ras du gaillard, et pour comble de malheur, deux haubans du grand-mât éclatèrent sous la violence du roulis. Du reste, le navire, travaillé par ces vagues à sauts de mule, s'était tellement entr'ouvert dans ses hauteurs, qu'il embarquait par chaque couture. On avait mis presque tout le monde aux quatre pompes et aux bailles : à peine suffisaientils, en travaillant de jour et de nuit, à maintenir le flot au-dessous des sabords. Qu'on ajoute à tous ces malheurs un froid terrible, qui couvrit de glace nos manœuvres et les rendait si cassantes qu'on ne pouvait plus les remuer. Nos gens en avaient les membres engourdis ; à quelques-uns même les pieds et les mains tombèrent en mortification. On ne savait, au vrai, ce qui valait le mieux, ou de se fatiguer aux pompes jusqu'à l'épuisement, ou de périr de froid dans l'inaction. Au milieu de toute cette affaire, il fallait voir Desprez et son ami s'occuper côte à côte sans jamais lâcher un mot de plainte, si ce n'est un juron pour se réchauffer. Ils s'étaient mis aux bailles, qui est une besogne de chiourme, et faisaient remonter les cuves sans répit. Quand l'un d'eux mangeait sa ration ou dormait un peu, roulé dans ses couvertures, l'autre tra-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.