Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

soutint pendant la guerre, le temps qu'il naviguait sans commission. A l'époque dont je vous parle, il faisait le forban entre les Antilles, mais nullement par cruauté ou par soif de lucre : c'était pour se garder la main et ne pas laisser pourrir ses hommes dans l'inaction. Il s'en tenait aux barques et vaisseaux de nos ennemis naturels, dont il prenait rançon avec beaucoup d'humanité. Je puis assurer que de toutes façons c'était un parfait honnête homme. Nous étions alors en pleine paix. Il n'y avait sur le rivage ni guet ni gardes. On se couchait vers les dix heures, et l'on dormait sur les deux oreilles. Une nuit de juin que je rêvais dans mon hamac, je me sens tout à coup soulevé par-dessous les reins, renversé sur le côté, et je tombe non sur le sol, mais dans les bras de quelques gaillards qui riaient aux éclats. Le moyen de se débattre quand on se trouve, à moitié endormi, entre les mains de six brigands, comme c'était mon cas ? Je me recommandai à la Providence, et je me vis, sous la lune, emporté vers la rive où l'on me remit debout près de MM. Darlet, Guillaume, Cacquerai et quelques autres notables de l'île, tous en chemise et les pieds nus. On nous fit embarquer dans une chaloupe et nous accostâmes


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