Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

haut que le pouvait sa petite et grasse personne : — Messieurs, je bois à notre Roi bien-aimé ! — Vive le Roi ! cria par trois fois l'assemblée. Les nègres et les négresses qui ne servaient point à table s'étaient retirés dans le fond de la clairière et menaient grand tapage à leur habitude. Ils avaient mis leurs plus beaux habits, et l'on sait combien cette race est appliquée dans ses parures. Ce n'était, pour les femmes, que jupes de cotonnade bien blanches, corsets à petites basques, coiffures à dentelles et rubans ; et chez les hommes, candales de couleur, chemises de toile fine, pourpoints à broderies. Quelques-uns avaient apporté leur bayou, cette étrange guitare à tambour de parchemin, qui rend des sons si mélancoliques. Comme c'est l'office du maître de cérémonie, le Père Anselme s'était avancé solennellement vers le cochon qui achevait de rôtir. Quelques nègres l'entouraient, tenant dans leurs mains ouvertes des assiettes de balisier. On mit la sauce dans un couï vaste comme un potiron, et le gibier ailé fut porté aux convives comme service d'entrée, avec force vins de France, de Piémont, de Madère et des Canaries, plus frais que s'ils eussent été à la neige. Chacun de nous et chacun des nègres eut pour le moins deux ou trois volatiles, ce qui nous ouvrit l'appétit et


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