Les corsaires du Roi

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LE BOUCAN DE COCHON

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des aras. Nous étions tous de joyeuse humeur. M. Bréart chantait à tue-tête en tirant des coups de fusil pour faire aboyer le barbet. Quelques nuages reposaient au flanc des mornes ; mais dès que le soleil se fut levé au-dessus des montagnes, ils se perdirent en fine vapeur au fond du ciel. Nous gravissions lentement la piste ouverte à travers bois par le charpentier et ses hommes, et nous ne nous lassions pas d'admirer l'extraordinaire végétation de cette île, qui n'est que fleurs en grappes, fruits en régimes et profondes verdures. Vers sept heures, nous retrouvâmes le Père Anselme en plein feu de l'action. Il avait retroussé jusqu'aux genoux sa robe de drap blanc, relevé ses manches jusqu'aux coudes et mis sa calotte dans son capuchon. Aidé par cinq ou six nègres des plus adroits, il édifiait le gril de branches qu'on appelle barbacoa : c'est un assemblage de fourches et de traverses amarrées avec des lianes, sur lequel on place le cochon sauvage ou marron que l'on veut rôtir. Le lieu du festin était choisi à merveille. Qu'on imagine une sorte de clairière en terrasse toute couverte par les arbres qui l'environnaient. Des écheveaux de lianes chargées d'orchidées, de lourdes masses de fleurs et de feuilles géantes, des faisceaux et des gerbes de palmes, formaient un décor d'une pompe naturelle, comme si la forêt se fût ornée de festons et drapée de cour-


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