Les corsaires du Roi

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LE TRÉSOR DE BOQUISECO

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Il courait sur les porte-haubans, le cordage à bout de bras, se cramponnant de l'autre main aux enfléchures. Les ivrognes exécutaient son ordre sans comprendre. Ils se trouvèrent ainsi dans le sillage du brigantin, au bout du câble qui les entraînait. — Range tes avirons, criait Hauchecorne dans son braillard de cuivre, et tu peux continuer la fête ! Ils avaient compris, cette fois. Un immense vivat bondit de la chaloupe. En un instant les avirons furent au bord et l'on se remit à boire et à chanter. L'arcasse du navire se balançait devant eux, avec sa balustrade dorée. Ils allaient du même train paisible, mais sans voile, à la paresseuse, comme un carrosse à bœufs, la rate épanouie ainsi qu'il sied à des gens qui ont à l'ombre plus d'un million de piastres. Ils avaient repris leurs guitares et jouaient sur la houle comme ils avaient joué sous les palmes. Les sommets de l'île s'affaissaient peu à peu vers la mer, et de l'autre côté, le soleil tout rouge aplati par la buée. Mais ils se moquaient bien de ce décor. Ils s'époumonaient à gueuler leurs sérénades de pochards, ne s'arrêtant que pour sucer le guarapo à même la calebasse. Puis ils recommençaient à gratter les cordes en se dandinant si fort sur leurs bancs que la chaloupe avait l'air de rouler.


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