Les corsaires du Roi

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LE GRAND CALME

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pouvait siffler tant qu'il voulait et le capitaine ronger sa colère à la poupe, dans un silence de cadavre. L'ennui s'était si bien établi dans tous les recoins du navire qu'il semblait enchaîner les membres au plancher. On ne voyait plus une ombre sur le tillac. Ce n'était que bâillements et jurons, qui venaient on ne sait d'où et de partout, comme la voix même de ce navire à cul de plomb. Seulement, sous la portée du gaillard, il y avait tout de même un homme qui continuait à vivre et que l'ennui n'avait pas atteint : Joris Weert, et son mousse avec lui. Le vingt-sixième jour de ce calme comme on n'en avait jamais vu, ceux qui attendaient le vent pour s'amuser à travailler, virent le capitaine sortir de sa chambre. On peut dire qu'il était cuit et recuit dans sa rage. Il faisait le tour du bateau en regardant la mer d'un air furieux, comme s'il voulait se jeter dedans, et ne s'arrêtait que pour cracher sur les voiles. C'est ainsi qu'il vint à l'endroit où Joris Weert et son mousse terminaient leur ouvrage. Ils avaient installé le vaisseau au centre d'une galerie à deux étages que fermait une double balustrade interrompue par des trophées et des guerriers en armure : chacun tenait une lance plus mince qu'une aiguille.


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